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Saturday, July 18, 2020

Années 1920, années folles : Johnny Weissmuller, comme un poisson dans l'eau - Le Parisien

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La silhouette athlétique, moulée dans un maillot bleu marine à fines bretelles, approche du rectangle d'eau translucide dans lequel elle s'apprête à plonger. Un soleil de plomb se reflète sur la surface lisse, à peine troublée par les cordes rouges équipées de bouchons de liège, qui matérialisent les couloirs de nage. Ce 18 juillet 1924, l'Américain Johnny Weissmuller découvre la piscine parisienne des Tourelles, aujourd'hui rebaptisée Georges-Vallerey, près de la porte des Lilas. Sur le moment, elle lui fait presque l'effet d'une pataugeoire pour enfants. Le bassin de 50 m, conçu pour les Jeux olympiques, semble ridiculement petit par rapport à ceux de 100 m jusqu'alors réglementaires. Une impression en demi-teinte, confortée par ses premières sensations dans l'eau, lourde.

Mais l'ambiance est conviviale. Sous une chaleur caniculaire, les 12 000 spectateurs massés sur les gradins en béton donnent de la voix. Chauvins, ils encouragent d'abord les Français, sans toutefois ignorer les champions. Et, à tout juste 20 ans, Johnny affole déjà tous les compteurs. Chaperonné par William « Big Bill » Bachrach, un entraîneur américain adepte du travail à la dure, il ne connaît pas la défaite. Le 9 juillet 1922, à Alameda (Californie), il est sorti de l'anonymat en pulvérisant le record du monde du 100 m nage libre, devenant le premier homme à passer sous la barre symbolique de la minute (58''6). Il a même amélioré ce temps de plus d'une seconde à Miami (Floride), dix-huit mois plus tard, le 17 février 1924 (57''4). Il a ainsi donné corps à la promesse de Big Bill, faite le jour où ce dernier prit sous son aile le jeune groom de l'Illinois Athletic Club, alors âgé de 16 ans : « Tu seras un esclave et tu me haïras. Mais, à la fin, tu battras tous les records que tu voudras. »

Trois médailles d'or et une de bronze… en water-polo

Le soleil darde encore quand, en cette fin de journée, Johnny Weissmuller prend place au bord du bassin des Tourelles, pliant ses genoux et courbant le dos. Il n'est pas donné favori du 400 m nage libre, mais il entend bien l'emporter. Le départ est son point fort. A l'impulsion, il saute plus loin et surtout, reste plus longtemps sous l'eau que tous ses adversaires, les reléguant d'emblée à une demi-longueur de bassin. Il doit alors contenir leur retour, gérer son effort… et la distance est longue !

« La position idéale est d'avoir le corps étendu, la poitrine formant une quille. Il ne faut pas qu'il roule sur l'eau. La respiration d'un côté ou de l'autre ne doit, en aucun cas, provoquer un déséquilibre et créer une résistance à l'avancement », expliquera-t-il dans son livre « l'Art de nager le crawl », paru en 1931. Une recette couronnée de succès ce soir-là, puisqu'il remporte la première de ses trois médailles d'or à Paris, après avoir déjà glané le bronze dans la matinée avec l'équipe américaine de water-polo. « Ce diable de garçon est le dieu de la nage, s'exclame-t-on dans le quotidien Le Petit Parisien. Il est aussi le héros de la journée. On l'acclame. Si c'était possible, on le porterait en triomphe. »

Gamin, il nage pour soigner les suites d'une poliomyélite

Les chroniqueurs de l'époque ne tarissent pas d'éloges sur le jeune prodige qui fait entrer la natation dans l'ère moderne. Et les femmes se pâment devant sa mèche rebelle et son torse musculeux. Avec ses 73 kilos pour 1,83 mètre, Johnny n'a plus rien du gamin chétif de 9 ans qui, sur les conseils de son médecin, découvrait la natation dans le lac Michigan, aux Etats-Unis, pour soigner les séquelles d'une poliomyélite. Gabriel Hanot, journaliste au « Miroir des sports », le décrit désormais comme « un grand garçon ­athlétique, joyeux, nonchalant, dégingandé, farceur dans les conditions normales de l'existence, mais nerveux à l'instant des épreuves difficiles ».

A peine remis de ses exploits, Johnny Weissmuller réapparaît deux jours plus tard, le 20 juillet 1924, au départ du 100 m nage libre. Pour se mettre en jambes, plus tôt dans la matinée, il a fait la différence sur le relais 4 x 200 m, offrant aux Etats-Unis son deuxième titre olympique sur la discipline. Mais ce succès n'aurait pas la même saveur si, en ce début de soirée, il venait à échouer sur la distance reine. Son épreuve fétiche. De l'avis de tous les commentateurs, la victoire lui est acquise avant même qu'il ne s'élance. Ses principaux concurrents – au premier rang desquels Duke Kahanamoku, un autre Américain, d'origine haïtienne – se sont tous déjà inclinés devant son talent. Seul le chronomètre offre un peu de suspense à la finale. Battra-t-il le record du monde ?

Son triomphe repose sur un mensonge

Cet espoir-là est douché au bout de 59 secondes, le temps réalisé par Johnny Weissmuller au terme de la course. Si, à l'arrivée, il touche les carreaux du bassin avec deux mètres d'avance sur Duke Kahanamoku, il ne parvient pas à faire totalement corps avec l'eau et doit donc se contenter du record olympique. Peu importe. En deux jours, le voilà érigé en héros de cette olympiade parisienne et devenu le chouchou du public français. Seule la natation a drainé une foule plus nombreuse que ne l'avait prévu le Comité international olympique (CIO).

Alors qu'il monte sur le podium pour entendre l'hymne américain, Johnny se sent fier d'avoir porté si haut les couleurs de son pays d'adoption. Mais il sait aussi, même s'il refusera toujours de l'avouer, que son triomphe repose sur un mensonge. Né le 2 juin 1904 à Freidorf, près de la ville roumaine de Timisoara, dans l'ancien empire ­austro-hongrois, il est apatride quand il se présente aux Jeux olympiques. Or, à cette époque – ce sera le cas jusqu'aux JO de Rio, au Brésil, en 2016 –, le CIO ne reconnaît pas ce statut.

Fils d'un mineur atteint de silicose – une maladie respiratoire – devenu gérant de saloon à Chicago (Illinois), il a falsifié son certificat de baptême pour pouvoir concourir. Empruntant celui de son frère cadet Peter, né sur le sol américain en septembre 1905, il y a ajouté, d'une encre différente, le prénom John, qui lui-même, a été « américanisé ». A l'état civil, il s'appelle Janos Weissmüller. Cette fraude lui a permis d'obtenir un passeport américain en mai 1924, son sésame pour les Jeux. Découverte des années plus tard, la supercherie est restée sans conséquence.

L'aura du nageur surdoué, qui a doublé la mise, en 1928, aux JO d'Amsterdam (Pays-Bas), conservant ses titres olympiques en relais et sur 100 mètres, n'a pas faibli. Elle lui a même ouvert les portes du cinéma au début des années 1930. Gauche, timide et athlétique, il décroche le rôle de Tarzan, dans lequel il s'investit à fond, refusant d'être doublé pour les cascades. De 1932 à 1948, l'homme-­poisson est ainsi devenu homme-singe, ren­contrant le même succès populaire qu'à l'époque où il faisait ses acrobaties dans l'eau.

1924 : cette année-là, dans l’actualité…

Lénine meurt le 21 janvier. Malade depuis plusieurs mois, le père de la révolution russe s’éteint à 53 ans. Les premiers Jeux olympiques d’hiver se déroulent à Chamonix (Haute-Savoie), du 25 janvier au 5 février. La presse internationale salue leur bon déroulement. Lors de la conférence de Londres, durant l’été, les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale tentent de se mettre d’accord sur les versements que devra effectuer l’Allemagne en guise de réparation.

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July 18, 2020 at 03:27PM
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